Antide Janvier
Essai sur les Horloges Publiques - 1811

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Antide Janvier publie cet essai d'une soixantaine de pages «pour les communes de la campagne». Il le dédie plus précisément «aux Habitans du Jura».

Il y décrit une petite horloge d'édifice qui fait 40 cm de long environ et dont le but est de pouvoir fournir et sonner l'heure dans les communes rurales. Nous n'avons jamais vu d'horloges de ce modèle ni lui ressemblant et rien n'indique que celui-ci ait eu quelques succès. Cependant, le travail d'Antide Janvier rejoint celui de Tissot ou des Wagner qui cherchèrent à faire des horloges à faible prix pour toutes les communes de France.

Cet essai est suivi de quelques notes :

  • sur le rapport entre la longueur d'un pendule et la période de ses oscillations, avec les tables associées.

  • sur la définition du temps moyen et du temps vrai, avec la table associée.

  • sur la «manière de tracer, sur un plan horizontal, une ligne méridienne, propre à régler les Horloges».

  • sur la manière de «tracer une méridienne par le secours de l'Etoile polaire».

  • sur la «manière de régler une Horloge par les étoiles fixes».

Ces notes sont écrites dans un but manifestement didactique, comme en témoigne la fin de cet essai, redonné ici plus bas.

Nous reproduisons ici de larges extraits de la première partie de cet essai [D0002], les trois planches, ainsi que la fin du texte :

AVERTISSEMENT

Vers la fin du 18e siècle, les questions relatives au nouveau système horaire, proposé par la Convention nationale, me mirent en correspondance avec F. Berthoud ; ce fut à la suite de longues discussions que nous arrêtâmes ensemble le plan de l'Horloge publique pour les Communes de la campagne, et l'on s'étonnera sans doute qu'il n'en soit fait aucune mention dans la Notice des principales recherches et des travaux de F. Berthoud, sur diverses parties des machines qui mesurent le temps, depuis 1752, jusqu'en 1807 (1). Je ferai cette seule observation : il est vraisemblable que l'auteur aura mieux aimé renoncer à la composition de cette machine que d'en partager l'honneur avec le moins exigeant de ses contemporains. Si toutefois ce n'est pas le secret de F. Berthoud (2) que nous dévoilons ici, l'erreur de notre supposition ne change rien à la nature de l'ouvrage, et s'il présente des vues d'utilité publique, les industrieux habitans du Jura sauront bien les apprécier. Dans cette Région salubre «il y a tel qui travaille à la tranchée qui sauroit diriger les approches, et tout homme qui se fait honneur du nom de soldat, ne s'oblige pas pour cela de ne porter qu'un mousquet (H. Sully)».

Au reste, nul motif d'intérêt ou de vanité ne me guide : en publiant cet Essai(3) je n'ai que des intentions droites, et le seul désir d'être utile.

(1) Cette Notice, en CVIII articles, est imprimée à la suite du supplément au Traité des montres à longitudes, page 51 jusqu'à la fin. Paris, 1807.

(2) Ce nom appartenant à la postérité , il me seroit ami difficile de m'exprimer d'une autre manière que d'amalgamer Mossieur avec Racine ou J. J. Rousseau , depuis que je connois Phèdre et la lettre à Christophe de Beaumont, tant je me laisse aller plus volontiers aux inspirations d'un instinct qui ne me trompe jamais qu'à de prétendues convenances toujours opposées à la franchise de mon caractère.

Dans cette gêne extrême,
Je verrois mourir mes esprits ;
On n'est jamais bien que soi-même,
Et me voilà tel que je suis.

C______

(3) Une partie des Additions est extraite des  meilleurs ouvrages publiés sur la mesure du temps.

 

ESSAI

SUR

LES HORLOGES PUBLIQUES,

POUR LES COMMUNES DE LA CAMPAGNE.

AVANT-PROPOS

Les Horloges publiques sont les machines le plus généralement utiles parmi celles qui servent à la mesure du temps, parce qu'elles règlent les momens du travail et des devoirs de toua les citoyens ; mais elles sont encore plus particulièrement nécessaires aux habitans des campagnes, et c'est justement ceux-là qui sont, le plus souvent, privés de ce secours, par la difficulté de se procurer des Horloges dont le prix soit proportionné à leurs facultés.

Ce seroit donc rendre un service à la chose publique, d'exposer les moyens d'avoir de bonnes Horloges, faciles à exécuter, et par-là, d'un moindre prix. Tels sont les motifs qui me dirigent dans ce travail : je le crois d'autant plus utile que depuis l'invention des Horloges, peu d'auteurs ont traité de cette partie essentielle, et moins encore depuis que l'art de la mesure du temps a été perfectionné ; en sorte que le travail des Horloges publiques a été presque totalement abandonné à des serruriers. Il n'y a eu que dans la Capitale, ou dans quelques grandes villes, que des Artistes intelligens ont construit des Horloges publiques avec beaucoup de perfection ; mais ces machines ne peuvent convenir qu'à des villes opulentes, et ce n'est pas pour de telles villes qu'est destiné le travail qui m'occupe, c'est uniquement pour les habitans de la campagne.

CHAPITRE PREMIER.

DU DEGRÉ DE JUSTESSE QUE L'ON DOIT EXIGER D'UNE HORLOGE PUBLIQUE.

Lorsqu'un Artiste ou Mécanicien veut composer une machine servant à la mesure du temps : avant de travailler à sa construction il établit d'abord quel doit être le degré de justesse que son usage exige ; et il considère également la dépense que la chose peut comporter. Si, par exemple, il est question d'une Horloge astronomique ou d'une Horloge marine, alors il doit travailler à réunir dans sa construction toutes les ressources de l'art ; mais s'il compose des pendules et des montres pour l'usage ordinaire du public, il doit rechercher les moyens les plus simples et les moins coûteux : enfin, si le même artiste veut procurer les moyens de construction d'une Horloge publique qui puisse devenir d'un usage général pour toutes les communes des campagnes, il doit considérer particulièrement le besoin des habitans, c'est-à-dire le degré de précision que comportent leurs travaux et leurs devoirs, dans l'usage qu'ils font de la mesure du temps ; et le degré d'habileté que l'on peut attendre des ouvriers éloignés de la Capitale, soit pour exécuter ces machines, soit pour les entre- tenir et les réparer.

C'est en considérant les Horloges publiques sous ces divers points de vue, que nous allons proposer les moyens de construction que nous croyons propres à remplir ces conditions. Nous établirons donc, pour base de notre travail, pour le moindre terme de justesse à exiger de l'Horloge publique, la quantité de deux minutes de variation en dix jours ; et cette précision est même au-dessus du besoin des citoyens qui travaillent, car c'est aux gens oisifs seuls que l'on pourroit permettre d'en demander une plus grande.

Des principales conditions qui doivent servir d l'établissement de l'Horloge publique.

La condition la plus indispensable c'est que cette machine soit réduite au plus petit volume possible et que la chose comporte ; par ce moyen l'on diminue la dépense, l'on réduit les frottemens de l'Horloge et les causes de destruction, en sorte qu'elle sera d'une plus longue durée.

La seconde condition, c'est que cette machine, après avoir été construite et exécutée dans une ville, habitation ordinaire des Artistes, puisse être transportée et placée dans le lieu de sa destination, sans difficulté et sans frais.

La troisième condition, c'est qu'un ouvrier ordinaire, en pendules, puisse exécuter en entier toutes les parties de l'Horloge.

Enfin, une dernière condition à exiger c'est que l'Horloge soit contenue en entier dans une boîte pareille à celles des pendules communes à poids, dans laquelle la machine sera fixée à demeure, savoir ; le mouvement ou rouage, les poids, le pendule, et sous le moindre volume possible, en sorte que le tout soit transporté en même temps, et qu'il n'y ait qu'à la placer au lien qui lui sera destiné ; et là seulement on aura l'ajustement du marteau de la sonnerie à placer auprès de la cloche et le cadran.

Des moyens propres à remplir les conditions proposées.

Les Horloges publiques qui ont été faites jusqu'à présent sont d'un trop grand volume, parce qu'en général on a employé des cloches trop grandes, et par conséquent très-pesantes : dès-lors il a fallu employer des marteaux proportionnés au poids de ces cloches, et c'est précisément la pesanteur du marteau de la sonnerie de l'Horloge qui détermine la grandeur du rouage de sonnerie ; et, sur cette grandeur, l'on a en général, réglé celle du mouvement qui mesure le temps(1).

Si l'on veut construire des Horloges d'un petit volume, et à la portée des bons ouvriers en pendules, il faut employer une petite cloche bien sonore, d'un ton argentin, celle-ci s'entendra de plus loin. D'ailleurs, pour son usage, il suffit qu'elle soit entendue par tous les habitans de la même commune, plus loin cela est inutile. Par une telle disposition on évitera une dépense considérable, les Horloges dureront bien plus long-temps, et sans réparations.

Dans les Horloges publiques actuelles on a généralement placé le cadran à une trop grande élévation, ensorte que, pour distinguer l'heure, on a été obligé de lui donner un très-grand diamètre(2). D'où il résulte deux grands défauts : celui d'avoir, des aiguilles trop pesantes et exposées à être fatiguées par le vent, ce qui les rend plus difficiles à conduire et fait varier la force motrice, enfin cela cause une plus grande dépense.

On doit donc exiger que le cadran n'ait pas plus de trois à quatre pieds de diamètre, et que son élévation ne passe pas, vingt à vingt-cinq pieds. L'Horloge publique ne doit avoir qu'une seule aiguille, qui fasse deux tours par jour ; cette aiguille marquera les heures et les minutes de cinq en cinq minutes, ce qui est suffisant pour l'usage du public ; par ce moyen on évitera la dépense et les frottemens qu'entraine une aiguille de minutes.

L'Horloge doit sonner l'heure seulement, toute autre subdivision est inutile pour la destination de cette machine.

La roue de sonnerie qui porte le cylindre, sur lequel s'enveloppe la corde du poids, doit aussi porter les chevilles pour faire frapper le marteau : c'est une mauvaise disposition à employer que de faire frapper le marteau par la seconde roue à cause du très-grand frottement de l'engrenage et des pivots.

L'Horloge publique n'étant destinée qu'à l'usage ordinaire des citoyens, on ne doit pas (comme nous l'avons dit) en exiger une précision au-dessus de leurs besoins. On ne doit donc point employer, dans le pendule d'une telle machine, les moyens de correction, pour les effets du chaud et du froid. Le pendule doit être tout simplement formé par une verge de fer.

Dans les premiers temps où l'on a fait des Horloges de clocher, elles étoient si mal construites, et si grossièrement exécutées, que l'on étoit obligé d'employer des poids énormes pour les faire marcher ; ensorte que, pour remonter ces poids, on avoit été obligé d'ajouter une roue qui engrenoit dans un pignon à lanterne, dont l'axe portoit la manivelle ; depuis le perfectionnement de ces machines on a continué à faire usage de ce remontoir jusque dans les petites Horloges de château où il étoit absolument inutile. Dans celle que nous pro- pesons on fera agir immédiatement la manivelle sur l'arbre même de la première roue qui porte le cylindre, de la même manière que cela se pratique dans nos pendules à secondes.

 

(1) L'on est dans l'usage de donner cinq livres de pesanteur au marteau pour chaque cent livres de la pesanteur de la cloche lorsqu'elle est d'un moyen volume.

Dans l'Horloge de la ville de Paris, la cloche qui sonne les heures pèse environ huit mille livres. Le marteau pèse avec le bras sur lequel il est monté environ cent cinquante livres Cette pesanteur est à peine suffisante pour une cloche de ce volume et qui est d'une épaisseur hors de proportion.

La plus grande cloche des quarts pèse mille neuf cents livres, et l'autre, mille cinq cent quatre-vingt. Les deux marteaux pèsent, l'un soixante-dix livres et l'autre cinquante-quatre.

(2) Celui de l'Hôtel de Ville de Paris a plus de neuf pieds.

 

CHAPITRE II

CONSTRUCTION PROPOSÉE POUR L'HORLOGE PUBLIQUE.

L'Horloge dont nous proposons ici la construction, pour l'usage des Communes de la campagne, marquera les heures et les douxièmes d'heures, sur un cadran da trois pieds de diamètre, élevé de vingt-cinq pieds.

Les heures et les fractions ou parties de l'heure seront indiquées par une seule aiguille conduite immédiatement, sans renvoi et sans jeu, par l'arbre de la première roue du mouvement.

Cette Horloge sonnera les heures seulement ; elle marchera cinq jours sans être remontée ; ainsi on la remontera deux fois tous les huit ou dix jours.

L'Horloge sera fixée dans une boîte solide dont nous indiquerons ci-après la disposition et les mesures.

La boîte de l'Horloge renfermera tout ce qui constitue cette machine, les rouages et les poids, ainsi que le pendule.

Le pendule, régulateur de cette Horloge, sera attaché par sa suspension, au fond solide de la boite, et de sorte qu'une fois placé à demeure il n'ait pas besoin d'être démonté. Par ce moyen on pourra démonter le mouvement pour le nettoyer, sans déranger le pendule, et par conséquent sans changer la marche de l'Horloge lorsqu'elle est réglée.

On pourra de même démonter et nettoyer le rouage de la sonnerie, sans déranger celui du mouvement.

L'Horloge ainsi fixée dans sa boîte, devra être placée le plus près qu'il se pourra du mur sur lequel doit être attaché le cadran, afin d'éviter la trop grande longueur de la tringle qui porte l'aiguille ; cette tringle devant être dans le même alignement que l'arbre de la première roue du mouvement, lequel conduit l'axe ou tringle de l'aiguille.

Il serait convenable que les Horloges publiques des campagnes fussent placées dans une chambre haute de la Maison Commune, et que les soins de ces machines fussent confiés aux instituteurs qui pourroient même loger dans cette chambre.

La face de la boite, en dedans de la chambre, sera percée et un carreau de verre laissera voir les heures et les minutes ; ainsi, intérieurement, cette machine tiendra lieu de pendule.

La cloche devra être aussi élevée qu'il se pourra ; elle devra être placée verticalement au-dessus du lieu où est l'Horloge, pour éviter les renvois du fil de fer qui lève le marteau. La cloche doit être tout simplement fixée par trois montans en fer, recourbés en arc par le haut, pareils à ceux qui supportent les poulies des puits ; par cette disposition on entendra mieux le son de la cloche, et la dépense sera moindre.

Le haut des supports de la cloche doit être recouvert par une calotte pour empêcher l'eau de s'introduire aux pivots de l'axe du marteau.

 

 

Suit une description technique de cette horloge (cf. planches). Les rouages du mouvements sont enfermés entre deux platines de 19 cm de haut par 11 cm de large environ et ceux de la sonnerie entre deux autres platines de 28 cm de long par 9 de large environ. Il s'agit donc effectivement d'une toute petite horloge d'édifice.

Le rouage du mouvement se compose de quatre roues. Notons que le poids est monté sur une corde sans fin qui est prise dans une poulie à pointe pour que «l'horloge ne cesse pas de marcher pendant qu'on la remonte» ! Ce choix est particulièrement étrange, puisque le maintien de la poussée pendant le remontage ne peut nullement être assuré de cette façon.

Le balancier, d'environ un mètre, bas la seconde.

L'échappement est à ancre, ce qui est également discutable, un échappement à chevilles étant au moins aussi facile à réaliser.

Le rouage de sonnerie est composé de trois roues. Le système est à roue de compte. Le volant est placé à l'avant.

La fin de l'ouvrage reprend le style du début :

 

P.S. L'ESSAI SUR L'HORLOGERIE [Note : le livre référence de Berthoud, paru en 1786], dans lequel on traite de cet art, relativement à l'usage civil, à l'astronomie et à la navigation, en établissant des principes confirmés par l'expérience, est un livre nécessaire à tout Artiste jaloux de la perfection de ses ouvrages ; mais il est d'un trop grand prix pour la majorité des ouvriers.

C'est pour cette honorable majorité, qui alimente le commerce de l'horlogerie que nous avons placé à la fin de cet ESSAI plusieurs tables d'une utilité journalière.

On ne sauroit trop répéter, dans nos montagnes, combien il importe à la perfection d'un art, qui est en quelque sorte subordonné aux sciences exactes, de faire marcher ensemble la théorie et la pratique.

Avec des têtes aussi bien organisées, il faudroit, aux horlogers du Jura, un simple livre élémentaire, contenant des principes certains, exposés avec beaucoup de clarté : et que ce livre fut d'un prix assez modique pour devenir le Manuel de chaque famille.

Il seroit à désirer, pour une contrée qui paroît appartenir au domaine de l'industrie, que la génération présente produisit un écrivain assez impassible pour n'être pas subjugué par l'ascendant d'une haute réputation, assez instruit dans les sciences mathématiques et l'exécution des machines, pour réduire, en un seul volume bien concis, les Œuvres prolixes de Berthoud.

Et si les riches capitalistes du bourg de Morez faisoient un léger sacrifice pour les frais typographiques, s'ils distribuoient l'ouvrage au prix d'exécution, cet acte seroit regardé comme l'un des plus grands bienfaits et le plus digne de la reconnoissance de leurs concitoyens. Eh ! que ne peut-on pas attendre d'une classe d'hommes dont les pères souscrivirent, avec enthousiasme, la promesse de fournir aux appointemens d'un jeune Artiste qui répandoit l'instruction dans les humbles ateliers, épars sur cette terre agreste ! .... mais aujourd'hui peut-être l'auri sacra fames étouffe les idées libérales jusque dans ce canton détourné :

Et l'intérêt, ce vil roi de la terre
Pour qui l'on fait ou la paix ou la guerre,
Triste et pensif auprès d'un coffre-fort,
Y vend le foible aux crimes du plus fort....

Hâtons-nous de repousser cette affligeante pensée ! Sans doute il existe encore au Jura des citoyens capables de dévouement à la chose publique ; et former des voeux pour cette intéressante patrie, ce seroit les voir remplis par le civisme de M.r P.re A.is P..... si, par notre organe, leur expression pouvoit arriver jusqu'à son coeur.

F  I  N.

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Dernière mise à jour de cette page : 11/12/2010